Archives de catégorie : Famille

Souvenir

Lentement roulant,
Caché derrière ton volant,
Tous les mercredi soir
Après ses devoirs,
Tu la raccompagnais,
Sans rechigner,
En toutes saisons,
A la maison.

Par-dessus l’appui-tête
Delphine alors petiote
Te caressait la tête
De ses menottes.

Elle te contemplait
Si pleine de dévotion,
Si pleine d’affection.
Tu en étais tout déboussolé.

Elle te câlinait tout naturellement.
Ces gestes t’avaient ravi, étonné.
« C’est une fille ! » disais-tu  gêné,
Presque imperceptiblement.

La vie te faisait une blague étrange :
Et à ton air comblé,
On aurait dit qu’un ange
Venait de te confier un doux secret.

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Papy est parti

Il était l’arrière-grand-père
Mais il était encore vert.
Bien sûr, il a pris de l’âge
Mais il vivait, posé, comme un sage.

Il a traversé, si discret, la vie
Sans un mot au milieu des cris
Que personne ne l’a vu défaillir,
Personne ne l’a vu vieillir.

Lorsqu’il a commencé à être malade,
Il ne s’est d’abord pas plaint.
Simplement il partait moins en balade
Pour faire les courses, pour faire le plein.

Lorsqu’enfin le traitement devint trop dur
Il fallut se rendre à l’évidence
Et appeler l’ambulance.
Il arrivait au bout de son aventure.

La chimio lui avait donné une mycose
Il ne pouvait plus manger grand-chose.
Il lui devint impossible d’avaler
Et c’est péniblement  qu’il articulait.

Et, du fond de son lit, il s’inquiète
Pour celle qu’en silence il a aimée.
Elle a pris froid, s’est enrhumée.
Pour le voir, elle ne doit pas faire la navette.

Alors qu’il était en train d’agonir,
Avant que n’arrive le pire,
Que l’on gardait pour soi ce fardeau
Il a pu donner à chacun un cadeau.

Pour certains, quoi que cela lui ait coûté,
Il s’est laissé alimenter
De cuillères de cet amour
Qu’on lui portera toujours.

Pour d’autres, quoique prude, il s’est  laissé masser.
Caresses  tendres et légères
Porteuses de mots qu’on voulait taire,
Qu’on n’osait prononcer.

Pour ma part, ce fut un sourire
Qu’il me faudra, à mon tour, transmettre
Quand viendra l’heure de partir
Quand je serai, moi aussi, l’ancêtre.

Exténué, il ne pouvait plus soulever
Ni sa tête ni ses paupières.
Ma visite s’achevait
Je ne voyais pas qu’elle serait la dernière.

Sur le pas de la porte, je me suis retournée.
Je l’ai vu se redresser
Son visage s’est épanoui,
Et dans un ultime effort, il m’a souri.

Ce que je n’ai pas pu comprendre
Alors que je partais,
(Mais voulais-je l’entendre ?)
C’est que c’est lui qui nous quittait.

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Le rire de Sarah

Dans tes yeux noisette
Je vois ce rire qui nous guette :
Il a besoin de complices,
Pour exploser, ce feu d’artifice.

Car ton rire est une danse
Où il faut être au moins deux ;
Tourbillon insouciant et joyeux ;
Invite pleine de confiance.

Ton rire est un doux zéphyr
Qui va sans faiblir.
Ton rire est une chaude brise
Qu’un rien attise.

Ton rire est une cascade
Qui allègrement s’écoule,
Une onde où la joie roule,
Ma coquine et belle naïade.

Cette bulle de bonheur que tu lances,
Je l’ai attrapée avec dextérité.
Et, en récompense,
Sur moi, elle a éclaté.

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Bébert la valise

En route pour le bureau
Il n’avait rien d’un tourtereau.
Son gros cartable pesant de tout son poids
L’obligeait à s’arrêter parfois.

De travail, comme de tout, il était boulimique.
Homme d’affaires au maintien sérieux
Démenti par son regard tendrement ironique.
Toujours flanqué de ce compagnon mystérieux.

Il avait le cœur et le corps sinistrés
Mais jamais il ne le montrait.
Sa première famille était partie en fumée
Mais une énergie vitale l’animait.

Qu’est-ce donc qui le poussait à cet exploit
D’avancer, boitant tel un balancier
Faisant en permanence contrepoids
A cette lourde charge de dossiers?

Se put-il que malgré cette douleur
Et même quand il fut âgé,
Quelque chose put alléger
L’attraction de la pesanteur ?

A son départ nous avons trouvé
Ce que précieusement, contre lui, il conservait :

Parmi toutes les factures, tous les papiers
Parmi tout ce qui concernait ses affaires :
Des lettres d’amour pour notre mère
Dont il parsemait chaque jour l’oreiller.

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Mots doux

Ma douce, mon amour, ma fille,
Te dire ces mots à d’autres abscons,
Liens féconds comme cocon
Tissé par la chenille.

Mon grand, mon fils, mon effacé,
Te dire ces paroles à d’autres muettes,
Liens légers comme aigrettes
Lancées par quelque herbacée.

De mes enfants, vous êtes la trace
Même si en vous l’adulte a pris place.
Et sans pouvoir de vous m’arracher
Ni vouloir vous attacher,

Sans pour autant vous asservir,
Je continuerai néanmoins à vous les dire
Ces mots doux. Liens infinitésimaux,
Entre une branche et ses rameaux.

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Au secours, papa, j’ai peur !

« Au secours, papa j’ai peur ! »
Tu m’étudies de ce regard qui me broie.
J’ai l’impression que je me noie.
Pour moi c’est le déshonneur.

Tu es là, près de moi, pour me rassurer,
Mais ton regard acéré
Me donne envie de retirer
Les mots que j’ai osé murmurer.

Ton regard d’amabilité
Ce matin plein d’adoration,
Cet après-midi, de déception,
S’est empli de dureté.

Je te reconnais,
Avec toi rien ne peut m’arriver.
Mais je suis désarçonnée
Par cette lueur que j’ai trouvée.

Je t’ai déçu,
Et je crains que ça ne soit qu’un aperçu.
Comment faire pour remonter le temps
Et effacer ce qui te change tant ?

Tu me réponds sans un sourire
« La peur n’a jamais rien évité ».
Ces mots, je ne peux plus te les dire,
Mais ne cesse pourtant de me les répéter.

L’aide ne viendra pas de toi
Mais je ne comprends pas pourquoi.
Toi qui a toujours tout pu…
Le charme est comme rompu.

Ce jour-là, sans vraiment réaliser,
Je venais de deviner
Une dureté canalisée,
Insoupçonnée.

Comment pouvais-je comprendre
Le tourment qui en permanence t’affligeait ?
Cette autre famille que tu n’avais pu protéger
Et qui malgré toi n’avait pu se défendre.

Avec ces simples mots d’enfance,
J’avais, en pleine journée, ranimé
Ce que chaque nuit, avec lancinance,
Tu revivais et qui te consumait :

Des wagons plombés cendreux,
D’où tu étais revenu sans eux.

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