Archives de catégorie : Coups de gueule

Soif d’amour maternel

Dans le bus un enfant crie,
Désespéré, malgré sa jeunesse ;
Tangible est sa détresse.
Tendrement des gens lui sourient.

Mais ça n’est pas pour eux
Que régulièrement sa mélopée s’élève.
Il veut l’amour de sa mère, il en crève.
On le voit, il ne doit rien lui arriver d’heureux.

Lui, il est là, tassé contre la portière, tout petit,
Comme s’il avait besoin d’être abrité.
Elle, elle lui glisse un regard sans empathie
Et même, parfois, de dureté.

Un mot d’elle ça serait déjà bien
Ca serait entre eux un lien.
Mais derrière ce regard vitreux
On soupçonne tout autre contact désastreux.

A l’arrêt, la famille descend.
Contre une terrasse de café il se rencogne
Tandis qu’effectivement sa mère le cogne.
Du bus, les regarder est indécent.

Il est difficile d’intervenir dans la vie d’autrui
Et contre la violence d’une mère,
Simplement soupçonnée, qu’aurais-je dû  faire ?
Depuis, ce souvenir me poursuit.

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Te rappelles-tu ?

Au début, on se dit bonjour.
Tout simplement.
Et puis, un beau jour
Tu sors du lot des mamans.

A la sortie de l’école,
Je te revois, à l’aise avec tous.
Tu souris aux enfants, pour des bricoles,
Te baisses, les embrasses, douce.

Poignées de main aux parents.
Les enfants sortent en rang.
Mon fils est dans la classe du tien.
Ton mari a un vécu semblable au mien.

Je découvre que tu joues du piano
Soignes les oiseaux jeunots.
Tu lis abondamment,
Et jardines allègrement.

Curieuse de tout, tu apprends, avide :
Les hiéroglyphes n’ont pour toi aucun secret.
Tu reprends gentiment un guide
En Egypte qui en reste éberlué.

Tu pars en Inde ? Tu t’atèles au sanskrit
Parlé et même écrit.
Tu pars en Chine ? Même si c’est un peu tard,
Tu apprends le mandarin standard.

Quelle est cette fée
Qui s’est penchée sur toi
Lorsque tu es née
T’offrant tous les dons à la fois ?

Nous échangeons nos impressions
Sur des gens, catégoriquement,
Ainsi que nos admirations,
De quelque personnage de romans.

Nous nous connaissons à tel point
Que pour tout prologue et tout épilogue,
Même si ça remonte à loin,
« Tu te rappelles ? » suffit à nos dialogues.

Souvenir, lorsqu’il reste entier,
Fil de la vie et de ses amitiés ;
Lien de connivences entre hier
Et le futur dont on ne doute guère.

Tu te rappelles ? Tu te rappelles ?
Les années sont passées.
Et l’écho renvoie cette ritournelle,
Sur un autre ton prononcée.

Car l’esprit de mon amie
Est parti, ne laissant plus là
Que son corps en vie
Avec plein de tracas.

Avec ce qui te reste d’audace
Tu ris de ce qui t’embarrasse.
Tous ces mots vides de sens
Que tous ces gens se balancent.

Juste des bulles inintéressantes
Qui ne t’entraînent pas avec elles.
Et tu restes assise, toujours aussi belle
Mais, aussi, tellement absente.

Ton mari est là, plein de courage
Et, navré de ce naufrage,
S’occupe avec amour de sa femme
Redevenue enfant, c’est infâme.

Il t’annonce ma visite.
Et je crois bien que, sans ce rite,
Cou tendu, tête penchée,
Tu ne saches qui vient t’approcher.

Egoïste, il faut que tu me pardonnes,
Je préfère laisser de côté
La réponse que tu te donnes.
Mais je peux la deviner avec facilité.

Ton mari, avec plein de tact,
Te fait faire de menues tâches
Pour qu’au moins au présent tu t’attaches,
Que tu ne perdes pas contact.

Car ce présent qui, sitôt né, nous fuit,
Graine en devenir du futur,
N’est plus rien pour toi, tu t’y ennuies,
Tu ne saisis plus l’aventure.

Coincée entre un passé qui s’efface
Et un avenir sans espace,
Tu te réfugies vers de nouvelles activités :
Tu n’es pas avec nous, tu es à côté.

Tu cruciverbises,
Tu sudokuises.
Tu le tues ce temps,
Qui dure, à présent, si longtemps.

Pour profiter de toi,
N’attendre plus rien.
Juste savoir que tu es là
C’est déjà bien.

Mais comme il faut être forte !
Et à cause de l’amitié que je te porte
J’ai envie, avec tendresse, de te dire
« Je trouve que tu exagères de ce que tu nous fais subir ! »

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Dépendance

Chantonnant, nez en l’air,
J’avançais rêveuse et légère
Ignorant qu’en un clin d’œil
De mon autonomie je ferai le deuil.

Heureusement, nous sommes ainsi faits
Qu’il nous est impossible de voir venir
Les maux que nous prépare l’avenir
Ou nous vivrions catastrophés.

Dur retour à la réalité
Lorsque j’ai vu le trottoir
S’approcher avec célérité.
Pas le temps de m’émouvoir.

Oui, mais ça a craqué
Et ma vie a bifurqué.
Oh pas définitivement,
Mais suffisamment.

Assez pour comprendre
Ce que c’est que de dépendre
Des autres. Soudain se sentir vieux
Même si c’est pour aller mieux.

Sans cesse avoir l’impression de déranger
Mais demander de l’aide pour pouvoir se laver
Et s’habiller sans rien aggraver.
Attendre, comme un enfant, pour manger.

Se vouloir discret, se vouloir indulgent
Devant la perte de temps pour l’entourage.
Mais en même temps se savoir exigeant
Plein de douleurs, plein de rage.

Ravaler son amour-propre mal placé
Devant toute cette sollicitude.
Cette étape va bientôt être dépassée
Bientôt, on retrouvera ses petites habitudes.

En fait, on m’a aidée sans retenue
Et sans cette chaîne de générosité
Alors que j’étais accidentée,
Je ne sais ce que je serais devenue.

Il n’est pas toujours facile d’aider
Mais je sais à présent que d’être dépendant,
D’être de soi dépossédé,
L’est encore moins cependant.

Faire intervenir des institutions
Ne devrait être que l’unique solution
Pour qu’avec nos proches à nos côtés
Nous puissions vivre en toute égalité.

Avoir autre chose à leur offrir,
Que l’on soit ou non introverti,
Que la vue d’un corps décati
Même si par amour ils peuvent le souffrir.

Et sans arrière-pensée qui trotte
Pouvoir rester tête haute
Et n’avoir plus avec eux
Que des échanges affectueux.

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