Archives de l’auteur : Jasnièrane

Mirage

Je revois cette ingénue,
Quand son cœur, d’allégresse pure,
Bondissait sans égratignure.
Le moment où je t’ai connu.

Me jeter dans le vide tel un parachutiste
Quand sous l’élan, la raison doute,
Quand la logique est en déroute
Quand rien hors nous deux n’existe.

Après la passion, la tendresse.
De tes rides et de ton sourire
Je ne cessais de m’attendrir :
De ta douceur, promesses.

Sur cette belle carte du tendre
Que je lisais sur ton visage
J’aurais pourtant dû apprendre
A y desceller comme un blocage.

De toi j’étais satellite,
Mais tu n’étais qu’un ermite.
De toute chose tu étais blasé
Comment ai-je fait pour te croiser ?

Tu restes ma douleur, ma souffrance
En personne je ne fais plus confiance.
J’aurais dû savoir qu’au-delà du regard
Le verbe est l’ultime savoir.

Parler, écouter pour de l’autre tout connaître
Ne pas croire ce que l’on saisit d’un regard.
Ce qui ne fait que transparaître
Est un leurre à bien des égards.

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Pantoum pour Jacinta

Jacinta nous apprend le chant
Patiente et drôle à la fois.
Le chœur répète en rabâchant.
C’est dur l’hiver quand il fait froid.

Patiente et drôle à la fois
Elle motive et fait le pitre.
C’est dur l’hiver quand il fait froid
De l’autre côté de la vitre.

Elle motive et fait le pitre.
Au grand jamais ne désespère.
De l’autre côté de la vitre
Dehors baisse la lumière.

Au grand jamais ne désespère.
Elle nous prend pour ses enfants
Dehors baisse la lumière
Nous chantons en nous réchauffant.

Elle nous prend pour ses enfants
Les mélodies elle défriche.
Nous chantons en nous réchauffant.
Bien prononcer le yiddish.

Les mélodies elle défriche.
Elle est toute attentionnée.
Bien prononcer le yiddish
Nous ne devons plus annoner.

Elle est toute attentionnée
Altos, sopranos elle anime.
Nous ne devons plus annoner.
Il faut qu’enfin l’âme s’exprime.

Altos, sopranos elle anime.
Lorsque le soleil va couchant.
Il faut qu’enfin l’âme s’exprime.
Jacinta nous apprend le chant.

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Ecoute le bruit de l’immensité !

Sortir, à la tombée de la nuit.
Te fermer à tout bruit
Quotidien et domestique.
C’est le moment critique
Où juste Altaïr luit.

Te laisser aspirer dans un puits
Sans fond. Un monde la suit.
La polaire, le Nord t’indique.
Ecoute le bruit de l’immensité !

Apparaissent Arcturus et Véga puis
Vois ce monde qui se dilate et fuit.
Vide intersidéral prolifique
A la beauté cosmique
Où le temps de la distance est le fruit.
Ecoute le bruit de l’immensité !

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Le samovar

Il n’avait rien d’un simple bidon
Et trônait sur un guéridon,
Majestueusement, en bas de l’escalier,
Superbe et pourtant si familier.

Il n’avait plus eau ni charbon depuis longtemps
Car il ne servait plus à faire le thé.
Dans le soleil il miroitait éclatant ;
Il était juste là pour sa beauté.

Mais un jour où de trop près je m’y suis mirée
Et où dans ses reflets j’étais aspirée,
Je l’ai poussé et fait tomber.

Plus tard, avec la maison nous le vendîmes.
Nous oubliâmes ce samovar sublime.
Depuis, au château de Chenonceau, y toucher est prohibé.

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Le doute

Comme dirait le poète,
« Il suffit de traverser le pont ».
Mais pourquoi, comme dans la chansonnette,
Franchir les frontières d’un bond ?

Au propre comme au figuré,
Moi je préfère l’entre-deux
Avant que de m’aventurer
Dans un monde hasardeux.

Attendre entre deux berges,
Observer les mondes possibles,
Pour, de toute idée préconçue vierge,
Avancer vers plus tangible.

Artémis, déesse des limites,
Doit veiller sur moi depuis longtemps
Car indéfiniment j’hésite
Et piétine, me consultant.

L’heure avance sur ma montre,
Mais je reste ainsi entre deux rives
A peser le pour et le contre
Cependant que les gens vivent.

Pour profiter de la vie,
A présent il est trop tard
Même si j’en ai envie.
Ah que n’ai-je écouté Ronsard !

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Dieu, y es-tu ?

- « Bobélé ! Est-ce que Dieu existe ? »
- « Je ne sais pas, chéri. »
Je n’ai aucun a priori,
On me traite même parfois d’animiste.

- « Est-ce que papa y croit ? Et maman ?
Est-ce qu’il existe réellement ?
»
- « Je ne sais pas vraiment. »
Répondis-je doucement.

Est-il si fréquent
D’aborder l’infini à cinq ans ?
Que lui diraient ses parents ?
La parole d’un adulte, c’est si rassurant.

En a-t-il entendu parler à l’école
Ou, dans la rue, a-t-il pris cette conversation au vol ?
Me voyant embarrassée par le sujet
Sérieux, il se mit à gamberger.

- « J’ai une idée, tu sais ce que je vais faire demain ?
Je vais aller sur le chemin
Et je vais appeler Dieu très fort
Attendre qu’il me réponde et alors…

Je lui demanderai s’il existe ! »
Mon petit-fils, de la logique, tu es un artiste !

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Des constellations de ballons

« Mon ballon ! Donne le moi !»
Claironnas-tu matois.
C’était ton dû, cet objet de publicité.
Il ne fallait pas t’en conter.

Tu sortis conquérant
de ce restaurant
Où nous avions déjeuné
Pour finir la matinée.

Ce ne fut pas une mince affaire
De te glisser à l’arrière
De ma petite voiture
Et de te mettre ta ceinture.

Avec ce nouveau compagnon
Tu étais vraiment trop mignon
Fier comme Artaban
Malin comme un forban.

Je te regardais dans le rétroviseur
Tu étais très causeur.
Une vraie séance de cinéma
Sur fond de frimas.

Alors, vas savoir pourquoi,
Et malgré ce froid,
D’un irrépressible élan
Tu ouvris la vitre. Vlan !

Trop vite tu avais gaffé
Le dégât était fait.
Calmé tu t’es penché
Et m’as dit « Vas le chercher ».

Dans le ciel comme au ralenti
Très loin il était parti
Vers d’autres horizons
Jusqu’à une probable crevaison.

Je t’ai expliqué que ça n’était pas possible,
Qu’il était inaccessible.
J’ai cru que tu serais déçu
Mais tu étais bien au-dessus.

Vers les cieux ton doigt as pointé
Et très docte as décrété :
« Les ballons aussi ça fait des points
Qui brillent et qui scintillent au loin.

Sais-tu que les étoiles sont pareilles
Oui, vraiment, pareilles à notre soleil ?
».
Des ballons, devant tant de réflexion,
Je t’en aurais donné des constellations.

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Au secours, papa, j’ai peur !

« Au secours, papa j’ai peur ! »
Tu m’étudies de ce regard qui me broie.
J’ai l’impression que je me noie.
Pour moi c’est le déshonneur.

Tu es là, près de moi, pour me rassurer,
Mais ton regard acéré
Me donne envie de retirer
Les mots que j’ai osé murmurer.

Ton regard d’amabilité
Ce matin plein d’adoration,
Cet après-midi, de déception,
S’est empli de dureté.

Je te reconnais,
Avec toi rien ne peut m’arriver.
Mais je suis désarçonnée
Par cette lueur que j’ai trouvée.

Je t’ai déçu,
Et je crains que ça ne soit qu’un aperçu.
Comment faire pour remonter le temps
Et effacer ce qui te change tant ?

Tu me réponds sans un sourire
« La peur n’a jamais rien évité ».
Ces mots, je ne peux plus te les dire,
Mais ne cesse pourtant de me les répéter.

L’aide ne viendra pas de toi
Mais je ne comprends pas pourquoi.
Toi qui a toujours tout pu…
Le charme est comme rompu.

Ce jour-là, sans vraiment réaliser,
Je venais de deviner
Une dureté canalisée,
Insoupçonnée.

Comment pouvais-je comprendre
Le tourment qui en permanence t’affligeait ?
Cette autre famille que tu n’avais pu protéger
Et qui malgré toi n’avait pu se défendre.

Avec ces simples mots d’enfance,
J’avais, en pleine journée, ranimé
Ce que chaque nuit, avec lancinance,
Tu revivais et qui te consumait :

Des wagons plombés cendreux,
D’où tu étais revenu sans eux.

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Averse en mai

La dernière fois que j’avais levé le nez,
Le ciel uniformément crème m’avait étonnée.
Des bruits montaient jusqu’à moi,
Qu’habituée, je n’entendais plus, toutefois.
Je travaille, penchée sur mon ordinateur,
Nullement préoccupée de l’extérieur.
Pourtant, un subtil changement.
Sans détacher mon regard de l’écran
J’allonge le bras lentement
Et tourne le variateur d’un cran.
Faisant ce geste, je réalise
Qu’il n’est pas l’heure d’allumer.
Je redresse alors la tête surprise
Et comme sur une palette, je vois germer,
S’effilocher et s’entrecroiser
Toutes sortes de bleus et de grisés.
Bleu de Prusse et fer
Sont en train de se défaire,
Relayés par l’anthracite
Que pétrole et ardoise phagocytent.
Silence. Le monde est insonore.
Il ne pleut pas encore.
Mais une sacrée saucée
Est en train de s’amorcer.
Et soudain
Des coups de gourdin :
Dehors
Les gouttes tapent fort.
Mais une fois encore
La lumière a devancé le bruit :
Un rideau translucide luit
Reflétant éclats argent et or.
Pas le temps de tomber à la renverse
Il ne reste déjà plus de cette averse
Qu’un ruisseau glissant silencieusement
En vagues sur les toits des bâtiments.

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Dans le panier du jardinier

Bonjour, Monsieur le jardinier !
Qu’avez-vous dans votre panier ?
Des fleurs violine
Pour mon amie Catherine
Avec beaucoup de pétales
Pour mon amie Chantal.

Avez-vous des fleurs orange
Pour ma fille Solange ?

Dans votre panier d’abondance
Qui, à votre bras se balance,
De loin, je vois
Un très joli choix.
Des roses, des pétunias
Et pour Santina des zinnias.

Avez-vous des fleurs orange
Pour ma fille Solange ?

Des rhododendrons,
Des noisetiers
A planter en rond
Près du sentier.
Un ginkgo à mettre dans l’eau
Pour mon ami Paulo.

Oui, mais les fleurs orange
Pour ma fille Solange ?

Vous avez aussi
Et je vous en remercie,
Un arbre de Judée
Qui plaira à Dédé,
Du thym et du laurier
Avec quelques poiriers.

Et mes fleurs orange
Pour ma fille Solange ?

De ma fille, ma vie,
J’aurais aimé combler l’envie.
Vous n’entendez pas bien
Ou êtes-vous daltonien ?
Mais que vois-je là
Près des lilas ?

Des azalées orange
Pour mon doux ange.

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