Archives de l’auteur : Jasnièrane

Regards dans le métro

Je suis dans le métro
Où, sans un mot de trop,
L’adolescent fanfaron,
Fait aux filles les yeux ronds.

Et encore ce matin,
Un homme, sur un strapontin,
Sur ses rêves, paupières clauses,
Se laisse aller à sa narcose.

Regards inquisiteurs de vieilles femmes,
Yeux plissés pour mieux voir,
Observent, à la bouche le blâme,
Les nymphettes court vêtues de noir.

Visages avenants et regards d’excuses
De deux personnes qui se sont heurtées.
Regards indiscrets, sur la page, jetés,
De la voisine, dans son livre recluse.

Regards qui se dérobent, évitent,
Pour ne pas croiser
Celui de robots automatisés
Qui pourraient s’énerver vite.

Regards passionnés d’amoureux
Qui se cherchent et se prennent,langoureux,
Echanges avec les yeux d’un baiser sur la bouche
Bien que leurs corps ne se touchent.

Yeux écarquillés, émerveillés,
De ceux de Gelsomina frères,
De cet enfant piaffant, éveillé,
Et debout en un éclair.

Regard implorant du mendiant
Qui survit d’expédients
Enfermé dans sa solitude
Loin de toute sollicitude.

Mes yeux retrouveront les vôtres, peut-être,
A notre prochain voyage.
Et par ce commun bagage
Nous apprendrons à nous connaître.

Déjà, à vous tous, de nouveau, je pense.
De nous, ils disent tout sans ambivalence.
Yeux rayonnants de ceux qui n’ont vécu que du bien
Ou yeux éteints de celui qui n’attend plus rien.

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Poussin au féminin, ça fait quoi ?

Une grand-mère émerveillée :
« Mais que je t’aime, mon chéri, tu es mon poussin ! »
Regards fondants du petit-fils :
« Mais que je t’aime, mamy, tu es ma poussette !« 

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Le camion traverse l’autoroute

« Un spectaculaire accident heureusement sans gravité s’est produit hier vers 20 heures sur l’A11, au niveau de Lombron. Alors qu’il circulait dans le sens Paris-Le Mans, le chauffeur a perdu le contrôle du camion, pour une raison qui reste à déterminer. Le poids lourd a alors traversé le rail de sécurité central et a fini dans le fossé des voies opposées. Le chauffeur n’a été que très légèrement blessé. »

Le Maine libre, samedi 18 avril 2009

Pourquoi donc sur cette autoroute
Ai-je soudainement baissé l’allure ?
Je m’apprêtais à doubler camion et voitures
Lorsque j’ai freiné, de quelque chose à l’écoute.

Jusqu’à quatre-vingt dix kilomètres à l’heure ?
Sur la voie de gauche, quelle horreur,
C’est criminel ! diraient certains.
Pourquoi, donc, ai-je appuyé sur le frein ?

Et comme dans un rêve, au ralenti,
Je ne me rappelle même pas avoir entendu un bruit,
J’ai vu glisser vers la gauche ce camion crème
Comme s’il voulait se doubler lui-même.

Cet immense camion d’acier,
Je doutais de ce que je voyais,
A traversé en diagonale toutes les voies
Et s’est retrouvé de biais devant moi.

Je ne me suis sentie concernée, prête à être happée,
Que dans cet endroit exigu
Dans cet angle aigu
Formé entre lui et le parapet.

J’ai eu le temps de prononcer d’un drôle de ton
« Ah mon dieu, mon dieu ! »
Allais-je être broyée au milieu,
Contre ce mur de béton ?

J’attendais le choc de cette queue de serpent propulsée,
Lorsque je l’ai vu, comme dans un rêve, passer
En entier à travers le rail de sécurité
Avec une si grande facilité !

S’était-il, sous le choc, envolé ?
Ou bien était-il en caoutchouc, ce muret ?
Etais-je, alors, déjà totalement à l’arrêt ?
Il ne m’avait même pas frôlé !

Puis il a traversé toutes les voies
De l’autre côté, dans le sens opposé,
Et a fini dans le fossé, comme posé,
Sans heurter qui que ce soit.

Les autres voitures que j’allais doubler
Etaient également arrêtées. Troublés,
Nous n’étions même plus conscients
De pouvoir provoquer en série des accidents.

Comme si un tel événement, forcément,
Devait avoir arrêté tout le monde derrière, pendant un moment !
Nous sommes repartis, évitant au maximum les débris,
Et avons regagné une zone dégagée sur le côté, à l’abri.

Nous sommes sortis de nos véhicules
J’ai dit « ça va ? » sans attendre de réponse, en tremblant.
Nous nous entre-regardions incrédules,
Le teint un peu blanc.

Nous n’avions rien, nous n’étions pas blessés.
Est-ce avant ou après que j’ai
Vu un homme traversant la chaussée,
Suivant du camion, exactement, le trajet ?

Réflexe post-traumatique, en l’occurrence suicidaire,
De bouger, partir, chercher de l’air.
Ou simplement aller porter secours.
J’ai pensé « Il est fou » en regardant autour.

Combien de temps plus tard
Sont arrivés voitures et motards ?
Est-ce quelques secondes ou quelques minutes
Après que le camion ait fait la culbute ?

Le fait est que la vie a repris son cours, a redémarré.
Mais pour qui ? Etais-je encore en vie
Ou simplement en avais-je l’envie
Et, comme dans les romans, ça n’était pas vrai ?

Des appels aux proches m’ont fait comprendre
Que j’étais dans la réalité, qu’il me fallait l’entendre.
Et le mental a pris le relais
Projetant en boucle le film qui venait de se dérouler.

Et de revivre le pourquoi et le comment,
L’irrationnel et le miraculeux :
Pourquoi donc, sur cette autoroute, c’est quand même fabuleux,
Ai-je dû soudain freiner avant que rien n’arrive, apparemment ?

Pourquoi, et je le ressens avec acuité,
Pourquoi donc en cette veille, même tôt,
De départ en week-end et de 24 heures motos
Personne n’est venu nous heurter ?

Si une chance m’a été donnée,
Quand bien même c’est momentané,
Celui qui veille sur moi, je n’oublie pas de le remercier
Et la vie, je sais que je vais l’apprécier.

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Une odeur de neige

La porte en grand s’est ouverte.
Une collègue est passée alerte
Et, dans son cortège,
Est entrée une odeur de neige.

Odeur de froid, odeur d’espace et de pureté
Accompagnée de bruits étouffés et ouatés.

J’écoute et ressens, emmitouflée,
Yeux plissés, aveuglés par les reflets.
Un flocon tombe sur ma joue, minuscule,
Et pourtant il me glace et me brûle.

Des mélèzes antiques semblent implorer,
De leurs bras rachitiques, les rayons dorés.
Au loin crie un rapace
Donnant à la scène son espace.

Un battement de cils, de cœur
Et me revoici assise
Au bureau d’où cette odeur
M’avait subtilisée par surprise.

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Le petit gris

Effacé
Sous sa
Coquille
Aime
Ramper et
Grignoter
Oseille et
Thym

Dans le sentier il avait atterri.
Pour qu’il montre ses cornes
à Hannah ma chérie,
il a fallu que je le suborne :
Je l’ai d’abord arrosé
puis sur une feuille de salade posé.
De sa coquille au ralenti
il est sorti petit à petit.
La salade il a grignoté
avec avidité
Puis à Hannah, Petit Gris a souri
avant de rentrer dans son abri.

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Chahaignes

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Chez l’orthophoniste

Répète après moi : « Flocon  »
« Non, moi, je ne dis pas de gros mots !  »

Valse des flocons de neige (Casse-noisette, Tchaikovsky, 1891)

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Métamorphose culinaire

Tout se passait pourtant bien
Ils avaient bon maintien.
Ils échangeaient, discrets,
Je ne sais quels liens secrets.
Jusqu’au jour où quelques oignons
Ont tout perturbé, grognons.
Citrons, tout mignons,
Zestes sur la langue,
Font les fanfarons
Mais deviennent exsangues.
Indécises, les oranges
Tournoient sur elles-mêmes, étranges.
Sont-elles à l’envers ?
Sont-elles à l’endroit ?
Un petit rond en arrière
Et en avant, trois.
Jadis roses de plaisir, les radis
Creusent leurs joues, avant rebondies.
Et leur voisin, le concombre,
A l’air ridé et bien sombre.
Rouille de rage, les épinards
S’oxydent et sont en pétard.
Bouchon posé de côté,
Le lait tourne carré.
Il compte fleurette
A sa cousine, la crème, fluette.
Inquiets, les œufs ont triste mine,
Ils ont de l’albumine dans les urines.
Les oignons, avec application,
Continuent à instiller des larmes.
Dans le bac à réfrigération,
C’est l’alarme.
Pour détendre l’atmosphère,
Il n’y a qu’une chose à faire :
Pêle-mêle, les légumes
Côtoyant les agrumes
Agrémentés de quelques plumes
Vont changer de costume.
Ils peuvent, vraiment ravis,
Vivre une deuxième vie.
Et deviennent, drôle de cadeau,
Une peinture d’Arcimboldo.

L'été d'Arcimboldo (1573)

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La pipette qui a du bagoût

« Aujourd’hui, à l’école, nous avons fait des parfums. J’en ai mis dans une bouteille et pour ne pas en mettre à côté, j’ai utilisé une pipelette. »

Aujourd’hui, à l’école,
Nous avons fait des parfums.
Tu sais, les odeurs s’envolent.
Il faut avoir le nez fin.

Là, je suis gamin.
Il fait froid, je suis gelé.
Je ne sais pas si je l’ai.
Mais peut-être que demain…

Parfumeur, c’est comme chocolatier,
Il paraît que c’est un métier.
Mon parfum est jaune soleil.
Je l’ai mis dans une bouteille.

Pour ne pas en mettre à côté
Je ne me suis pas agité.
Et comme je ne suis pas bête,
J’ai utilisé une « pipelette ».

Je m’en mettrai une petite goutte
Une petite touche discrète
Seulement les jours de fête.
Est-ce que tu m’écoutes ?

Nez fin, je ne sais pas,
En tout cas, j’ai l’oreille fine.
C’est ce que m’a dit mon papa
L’autre jour dans la cuisine.

C’est vrai, je m’cache, je reste discret
Et j’aime bien écouter les petits secrets.
Quand mes parents chuchotent dans le couloir
Et qu’ils ne peuvent pas me voir.

Il est grand, il n’est pas fin mon nez.
Mais, regarde ! j’ai de petites oreilles.
Ca ne s’arrangera pas avec les années
J’ai bien peur que ça reste pareil.

Bon, Batman je deviendrai
Et tous les méchants je tuerai
En un éclair,
Avec mes rayons laser.

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Mots doux

Ma douce, mon amour, ma fille,
Te dire ces mots à d’autres abscons,
Liens féconds comme cocon
Tissé par la chenille.

Mon grand, mon fils, mon effacé,
Te dire ces paroles à d’autres muettes,
Liens légers comme aigrettes
Lancées par quelque herbacée.

De mes enfants, vous êtes la trace
Même si en vous l’adulte a pris place.
Et sans pouvoir de vous m’arracher
Ni vouloir vous attacher,

Sans pour autant vous asservir,
Je continuerai néanmoins à vous les dire
Ces mots doux. Liens infinitésimaux,
Entre une branche et ses rameaux.

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